Généalogie de José CHAPALAIN


 

 

Retour Professions

Retour autre texte transmis par B Perchey

Le ’’CACIQUE’’

Les documents suivants (texte et photo)  qui représentent un témoignage très intéressant sur la vie des marins à l'époque des faits m'a très aimablement été transmis par B Perchey

Document de B Perchey : que je remercie pour son autorisation pour l'insérer sur ce site.

Correspondance de notre grand-oncle Louis COURILLON , 

Avec son épouse et ses frères . Il utilisait la même lettre pour toute sa famille .C’était pendant la guerre de Crimée ,en 1854 .

 

Le ’’CACIQUE’’ ,un des premiers Vaisseaux de guerre de la marine Française ,à vapeur .

 le Cacique

Notre Grand-Oncle LOUIS COURILLON a participé à la guerre de Crimée à bord de ce

Navire .

 

                                                                 Le Pirée ,le 29 Janvier 1854 .

                                  Ma Chère épouse ,

 

     La présente est pour te faire savoir que je suis en bonne santé ,et en même temps ,pour m’informer de l’état de ta santé . Je désire de tout mon cœur que ma lettre te trouves dans une aussi bonne disposition ,qu’elle me quitte ,ainsi que notre petit garçon pour mon plus grand bonheur . Ma chère amie ,je te dirai que nous sommes partis de Toulon le 13 Janvier ,et que nous avons eu beau temps ,jusqu’à l’île de Malte ,où nous avons relâché pour faire du charbon . Nous y sommes restés 3 jours et nous avons eu du grand vent debout ,qui nous a obligé à faire escale à Salonique ,île de la Grèce où nous sommes restés un jour . Nous sommes arrivés au Pirée le 26 pour faire du charbon . Nous espérons le beau temps pour partir ,car il ne fait pas beau temps tous les jours dans cette saison-ci .Il paraît que l’escadre est à Constantinople ,et nous avons encore 200 lieues pour nous y rendre .

P.S. Ma chère Justine , je t’ai écrit pour répondre à ta lettre ,que j’avais reçu à Toulon, et je pense que tu l’auras reçue . J’aurai bien désiré te faire savoir le jour que nous devions partir ,mais je ne savais le jour de notre départ ,et je ne l’ai su que la veille .Nous étions si pressés de travail ,que je n’ai eu nullement le temps ,et cela m’a contrarié beaucoup .Ainsi ,tu vois que ce n’est pas de ma faute ,je t’en prie ,chère amie ,ne t’affliges pas ,prends courage et patience . Ce temps de tristesse se passera avec l’espoir et la confiance en Dieu ,et sa protection . J’ai pleine confiance qu’il me ramènera près de toi . En attendant ,il est vrai chère amie ,que c’est une grande privation ,pour toi comme pour moi .Que veux-tu y faire ,on ne peut empêcher tout cela . Tu me diras dans ta prochaine lettre ,si notre petit garçon s’en vient bien ,et s’il se porte bien . Pauvre enfant ,je ne puis pas avoir la douce de le voir et de l’embrasser . Sur cette lettre ,je te dis ce qui occupe ma pensée ,il n’est pas de moment que je ne pense à toi et à mon enfant .Quand j’ai l’esprit occupé ,il me semble que je suis près de toi , mais à la réflexion ,je vois que je suis très éloigné et savoir quand je me rapprocherai ?

     Je te dirai aussi que relativement à ma position ,nous ne sommes pas mal à bord . Le commandant en chef n’est pas méchant , il se nomme Quinay ,le second ,n’est pas méchant non plus ,il se nomme Durand . Les officiers ,ce sont de bons hommes .Du reste je pense que nous ne seront pas malheureux à bord si ça continu ,c’est à dire pour le service ,on est bien ,je désire que cela continu ,la suite nous apprendra le reste .Ma chère amie ,tu me diras dans ta prochaine lettre ,si tu es toujours à ta place et comment tu t’y trouves . J’ai vu par ta lettre que tu n’étais pas trop heureuse . Tu me diras aussi ,si tu as touché ma délégation , tu me diras aussi combien tu gagnes à la place où tu es .Pour moi je te dirai que je suis à une pièce de 30 ,et j’ai six francs de supplément par mois .Tu me feras réponse sitôt la présente reçue . Tu me diras aussi ce que les journaux disent des affaires d’Orient , je crois que vous en avez pour votre argent d’écrits !

     Je ne connais plus rien à te dire ,que d’embrasser notre petit garçon . Je finis de t‘écrire ,mais non de t’aimer ,et je suis pour la vie ,ton fidèle époux .Louis Courillon.

Mon adresse : Louis Courillon ,Marin de l’état ,à bord de la frégate à vapeur le ‘’Cacique’’ ,dans l’escadre du Levant – CONSTANTINOPLE .

Tu embrasseras pour moi toutes tes sœurs et leur mari ,ainsi que leurs enfants ,et tu leur souhaiteras le bonjour pour moi  et des compliments à toute la famille .Souhaite le bonjour pour moi à la Mère Pierre ,à Victor et sa dame .

              Mon cher frère ,

     Je joins ces quelques lignes à ma lettre pour te souhaiter le bonjour ,ainsi qu’à ta femme et à ton garçon . Je me porte bien ,Dieu merci ,je désire que ma lettre vous trouve tous en bonne santé . Mon cher frère ,je te dirai que nous avons relâché à Malte ,comme je le marque à ma femme ,que cette île appartient aux anglais ,qu’elle est bien bâtie et bien fortifiée .Nous sommes maintenant à deux lieues de la Grèce ,c’est à dire Athènes . Tu me diras si ton commerce va bien ,et si les barques gagnent bien leur vie ,et les nouvelles du pays . Souhaite le bonjour pour moi à ta femme et à ton garçon . Et je suis pour la vie ton frère tout dévoué ,fais mes compliments à Paris ,à sa femme et à Hyppolite

Louis Courillon .

 

 

 

                                                           Embouchure du Danube ,le 27 Mars 1855 .

 

                                     Chère épouse ,

 

     La présente est pour répondre à ta lettre datée du 24 Janvier que je viens de recevoir,et dans laquelle j’apprends toujours avec un nouveau bonheur ,que tu jouis d’une bonne santé ,ainsi que notre petit garçon . Je vous en souhaite ,à tous deux une longue prolongation . Pour moi ,chère amie ,je me porte mieux maintenant ,car j’ai éprouvé des douleurs dans tous les membres ,et un rhume qui m’a duré une partie de l’hiver . Mais grâce à Dieu ,je me porte assez bien ,et je désire de tout mon cœur que ma lettre te trouve en bonne santé ainsi que notre enfant . Puisse le ciel exhausser mes prières pour qu’il vous conserve à mon amour ,et me ramène près de toi , et que surtout que cette malheureuse guerre se termine bien vite ,pour le bien de beaucoup de famille . Car c’est un terrible fléau que la guerre ,autant qu’une nation soit victorieuse , cela est toujours triste et il existe toujours des victimes . Enfin ,prenons courage et patience et ayons confiance en la providence comme je te le dis souvent dans mes lettres .J’ai l’espoir qu’elle ne nous abandonnera pas ,et qu’elle mettra fin à toutes ces misères et souffrances .

     Chère amie ,tu me parles que notre petit s’en vient toujours bien ,et qu’il est méchant .

Je ne saurai exprimer la joie que je ressens ,quand tu me dis qu’il se porte bien ,que tu me racontes toutes ses petites manières ,il me semble être près de toi . Mais à la réflexion ,je vois avec peine qu’un grand espace nous sépare .Que mon bonheur sera grand ,quand je pourrai te dire ma pensée ,et vous presser tous les deux sur mon cœur  . Je crois que je n’aurai jamais de jour plus heureux . Mais l’heure n’est pas encore venue ,et ,en attendant comme je te dis chère amie ,armons nous de courage ,car ce jour viendra ,j’en ai la douce consolation .

     Chère épouse ,tu me dis dans ta lettre que tu as fait 3 heures de jours gras ,et moi je vais te dire que je ne savais pas seulement le jour qu’il était ,c’est à dire le quantième du mois .qu’il s’est trouvé ,quand bien même je l’aurai su ,je n’en aurai pas dîné plus grassement au service .C’est toujours du bouilli ,jamais de rôtis ,et pour changer du bœuf ,un jour ,et du lard salé l’autre .Il n’y a qu’à Constantinople ,que nous mangeons de la viande fraîche ,aussi les équipages des navires ,n’ont pas très bonne mine ,mais cependant ils se portent assez bien .

     Chère amie ,tu ne me parles pas de la procuration ,que je t’avais envoyée  . Tu ne me dis pas si tu l’a envoyée au bureau du personnel au ministère de la Marine  . Tu me le diras dans ta prochaine lettre ,et tu me feras savoir  combien tu as touché en tout de ma délégation . Dis à mon frère  qu’il ait l’obligeance de marquer ce que tu pourras toucher pendant mon absence  . Au moins ,si Dieu permet ,un jour mon retour ,je pourrai m’expliquer avec le commissaire de Caen . Je ne puis croire que je sois apostillé au bureau d’Honfleur  . Tu pourrais en parler au Capitaine Barbet ,mais je trouve surprenant que l’on t’envoie un mandat ,et que tu ne puisses pas le toucher .Cela est arbitraire ,et je puis te dire aussi qu’à partir du 1er Janvier 1855 ,que je te délègue 15 francs par mois  ,car mon avancement en classe  ,a été approuvé du ministre  ,et compte à partir du 1er janvier ,ce qui va faire presque moitié plus .

     Chère épouse ,je te donnerai cette fois que des détails peu importants ,d’abord Sébastopol ,n’était pas prise le 24 Mars ,nous étions en croisière devant Odessa et aux environs ,quand le ‘’Milan’’ ,corvette à vapeur française est arrivée le 25 mars nous apporter des lettres ,et nous transmettre l’ordre de nous diriger sur Constantinople ,pour faire notre charbon ,et prendre un chargement de troupes turques . Je vais te donner une petite explication de notre croisière . Nous sommes partis de Karmiesck ,le 11mars pour visiter les navires ,nous en avons visité deux qui étaient en bonne forme ,entre autre un Dundis ,qui nous a appris la mort de l’Empereur Nicolas ,il avait un journal de Constantinople du 8 mars ,qu’il a donné à notre Commandant .Ensuite ,nous nous sommes dirigés vers l’île des Serpents  ,où nous avons mouillé le soir .Dans la nuit ,nous avons été forcés de lever l’ancre ,et de nous diriger vers l’embouchure du Danube ,où le blocus était levé depuis le 18 Janvier .Nous avons vu une grande quantité de navires qui montaient le fleuve ,et nous sommes restés au mouillage ,jusqu’au lendemain 13 mars . Nous avons fait   route pour la rade d’Odessa ,où nous arrivâmes le soir . Nous avons trouvé une corvette anglaise qui y était en station .Nous sommes restés devant Odessa jusqu’au 22 courant ,jour où nous avons fait route sur l’île de Tindra ( ?) où nous avons trouvé deux navires de guerre anglais qui étaient également en station comme nous . Le 24 mars on nous envoya à terre ,la moitié de l’équipage ,nous y avions déjà été au mois d’octobre 1854 . L’île de Tindra ,avait déjà été abandonnée par les Russes au commencement de la guerre actuelle . Il n’y a sur l’île que quelques cabanes de pêcheurs ,et un phare ,qui n’est plus allumé . Cette île servait de pâturage pour les chevaux ,mais maintenant ,il n’y a plus rien . Enfin ,nous nous sommes promenés ,voilà tout. Le ‘’Milan’’ est venu et à son arrivée ,nous avons fait route pour Constantinople et nous avons mouillé à l’embouchure du Danube. En nous en allant ,ce soir ,nous ferons route pour notre destination . Voilà tout ce que je peux te donner comme détail. Je te prie ,chère amie , de faire mes compliments à toutes tes sœurs et à leur mari ,et aux nièces et neveux et à toute la famille ,à notre tante Pilon ainsi qu’à ses enfants .Embrasses pour moi ta sœur Nannan ,et Legrand , et le petit Félix . Assures mes respects à la famille Lecourt ,ainsi qu’à la famille David ,au père Tanneur ,à monsieur Bouët et à sa dame et à madame Petit et aux amis d’habitude .

 

 

                                         Kamiesck ,ce 6 mai1855 ,

                                         *********************

                       Chère épouse ,

 

J’ai reçu ta lettre le 3 mai qui est datée du 15 avril et j’y apprends que tu jouis toujours d’une bonne santé ,ainsi que notre enfant . Je vous en souhaite à tous deux une longue continuation . Pour moi ,chère amie ,je me porte assez bien ,et je désire de tout cœur que ma lettre te trouves en bonne santé . Je demande au ciel,dans mes prières ,qu’il nous conserve et nous réunisse le plus tôt possible .

     Chère amie ,tu me dis que tu es surprise que mes lettres soient si longues à te parvenir . Je dirai d’abord ,qu’il y a deux espèces de courrier ,le direct et l’indirect . C’est à dire ,un qui va tout droit en France sans s’arrêter ,et l’autre qui s’arrête à plusieurs endroits . Alors quand les lettres sont à bord du courrier indirect ,il faut nécessairement qu’elles aient plus de temps pour te parvenir . Celle de mon frère à partir d’Odessa ,ensuite elle est allée à Varna et ainsi de suite ,jusqu’en France . Ainsi chère amie , voilà la cause du retard de nos lettres à tous deux . Je t’assure que quand j’ai reçu ta lettre ,elle m’a fait beaucoup de plaisir ,et m’a tiré d’inquiétude . Relativement à la procuration que je t’ai envoyée , il est vrai que tu m’en parles dans une lettre ,et tu me dis que tu t’informeras s’il est utile de l’envoyer au ministère de la Marine . Mais tu ne parles pas ,si tu l’a envoyée ou si tu l’as reçue  .Tu me le diras dans ta prochaine ,et tu me diras aussi si tu as reçu le dernier trimestre de 54 . Il me semble qu’il serait temps ,vu que voilà quatre mois d’écoulés en 55 .

Tu devrais même avoir du toucher le premier trimestre de 55 .Mais ils sont toujours plus en retard qu’en avance ,et je ne suis pas non plus étonné de la mauvaise volonté du syndic ,car c’est bien un original sans copie ,enfin bref la dessus ,je finirai par en dire plus que je ne voudrai .Il faut espérer que nous n’aurons pas toujours besoin d’avoir recours à des gens si mal obligeant .

     Chère Justine ,tu me demande si mon avancement est de 1ere ou de deuxième classe  ,je te dira   i qu’il n’est que de deuxième classe  .C’est à dire à 33 francs par mois et 6 francs de supplément par mois également ,ce qui monte ma paye à 39 francs par mois  .A partir du 1er janvier 55 ,je vais te déléguer 15 francs par mois ,au lieu de 8 francs .Tu me diras dans ta lettre prochaine ,ou du moins quand tu toucheras le 1er trimestre 55 ,si tu as touché plus que d’habitude . Il serait possible que tu ne le touche pas ,vu que l’ordre est envoyé de Toulon à Caen , alors j’aurai un rappel de solde à réclamer . Mais je préférerai que tu le touches   ,vu que cela te ferait le double d’argent . Tu me dit aussi de te dire ,si je touchais quelque chose et comment on arrangerait cela   .Je vais t’en faire une explication : d’abord de 1854 ,il me reste 112 francs que le gouvernement me doit . Maintenant de 55 ,j’ai touché 12 francs et le 15 avril 10 francs ,c’est tout ce que j’ai touché cette année . J’en ai bien assez  ,vu que tout est d’une cherté extraordinaire ,et tout ce que l’on vend ,n’est pas grand chose de très bon . Les pommes valent 2 sous la pièce et encore elle ne valent rien ,4 noix pour un sou ,4 figues pour un sou ,une orange 20 centimes ,un hareng 20 centimes ,le pain 8 sous la livre et encore ,il ne vaut rien ,le kilo de pommes de terre vaut 75 sous  . Ainsi ,comme tu peux le voir ,tout est bon marché .A terre ,on vend aussi quelques volailles  ,et il faut parler de 8 ou 9 francs pour une .

     Tu m’apprends aussi que notre neveu Louis est parti pour Brest . Ses parents doivent être beaucoup chagrins ,enfin s’il a espoir de se faire remplacer .Moi je suis de son avis , il me semble que cela lui coûtera beaucoup moins cher pour se faire remplacer au corps qu’étant à la maison .Tu me diras aussi si on a reçu de ses nouvelles et dans quel régiment il est .Chère épouse ,je suis charmé ,et j’éprouve une grande joie en me détaillant toutes les manières de notre enfant . Je t’assure que cela me fait beaucoup de plaisir ,mais si je pouvais le voir moi-même ,je serai beaucoup plus heureux .Cela ne se peut pour l’instant ,

Il faut espérer ,puisqu’il n’y a que l’espoir qui fait vivre  , que Dieu nous fera la grâce de nous réunir un jour , pour ne plus nous séparer . En attendant ,comme je te le répète ,chère amie ,courage et patience . Je te prie de l’embrasser bien des fois pour moi .Tu diras à la mère de Setter ,que je n’ai pas vu son garçon depuis Toulon .Je savais ,qu’il était sur la frégate à vapeur le ‘’Mantésuma ‘’ ,et j’ai appris par des hommes de son bord qu’il avait été malade ,aux environ du mois de janvier .Il devait rentrer en France en convalescence .

Maintenant ,je ne sais s’il y a été oui ou non ,et tu lui souhaiteras le bonjour de ma part , ainsi qu’à sa mère et à Louise .

     Tu me recommandes ,chère amie ,de ne pas m’inquiéter ,et que tu me fais réponse sitôt que tu reçois ma lettre . J’en suis bien persuadé , mais il est bien difficile de ne pas s’ennuyer  il y a des moments surtout où je m’ennuie à la mort ,et c’est surtout le dimanche ,quand nous ne travaillons pas .Il est vrai que nous ne sommes pas souvent à rien faire . Je ne connais plus rien à te dire ,que de faire des compliments aux frères et sœurs ,aux neveux et nièces ,à notre tante Pilon et à ses enfants et à toute la famille Davier ,à la mère Pierre et aux amis d’habitude . Embrasses pour moi notre père Legrand  et notre sœur Nonnon ,le gros Félix ,car il ne doit pas être petit maintenant .Je finis de t’écrire mais non de t’aimer ,je suis pour la vie ton fidèle époux qui t’embrasse de loin . L. Courillon.

 

           Mon frère ,

 

Je reçois également ,ta lettre avec celle de ma femme ,et je vois avec joie que tu es en bonne santé ainsi que ta femme et les petits Courillon .Je vous en souhaite une longue continuation et désire d’un grand cœur ,que la présente te trouve dans d’aussi bonne disposition ,qu’elle me quitte . J’apprends par ta lettre que tu as vendu notre maison,j’en suis bien content d’en être débarrassé  .Elle nous apportait plus de tourments qu’elle nous rapportait de bénéfices . Je ne puis te donner que peu de détails ,vu que je n’ai pas le temps . Dans la nuit du 1er au 2 mai ,nos troupes ont pris les embuscades russes ,avec 11 mortiers et 12 pièces de campagne . A l’autre courrier je te donnerai une explication plus longue sur autre chose . Embrasse ta femme et le petit Courillon pour moi .Pour la vie ,ton frère  L.Courillon .

 

 

                                             Kamiesch le 15 juin 1855 .

                                             *********************

 

                                 Ma chère épouse ,

      J’ai reçu ta lettre le 7 juin ,qui est datée du 23 mai . Je suis heureux d’apprendre que tu es en bonne santé ,pour moi chère amie ,depuis quelques jours ,je suis un peu malade . J’ai été pris de vomissement et de coliques qui m’ont duré quelques jours  .J’ai été obligé d’aller à l’hôpital du bord ,où je suis encore . Je me suis purgé et cela m’a fait beaucoup de bien .Enfin grâce à Dieu ,je commence à aller un peu mieux , et d’ici à quelques jours ,je pense reprendre mon service . Tu m’as appris aussi par ta lettre que notre petit garçon avait été bien enrhumé ,il faut bien peu de chose pour déranger les enfants ,cela me créerait de l’inquiétude  si tu ne me disais qu’il va mieux . Je désire de tout mon cœur que ma lettre vous trouve tous les deux en parfaite santé . C’est toujours ce que je demande à Dieu ,qu’il nous conserve la santé ,car nous en avons grand besoin tous les deux pour supporter nos contrariétés et nos chagrin . Puisse donc le Ciel exhausser les vœux que je fais ,et surtout celui de nous réunir le plus tôt possible . que de fois ,chère amie ,je l’ai demandé à Dieu dans mes prières ,et j’ai le doux espoir que je ne l’aurai pas invoqué en vain . Tu me dis aussi que notre petit ne sera guère bon ,et qu’il bat sa marraine . Cela ne prouve pas qu’il ne sera pas bon à l’avenir ,mais il est encore jeune  ,. En grandissant ,il changera de conduite ,à cela près ,qu’il s’en vienne bien et nous verrons plus tard .Je suis content de savoir que la procuration que je t’ai envoyée était bien et qu’elle a pu te servir . Mais tu ne m’en avais pas parlé dans tes autres lettres . Tu me parles aussi d’hypothèques légale au purge que tu as reçue d’un huissier de Pont-l’Evêque ,relativement à notre maison de Dives .Je voudrai bien que dans ta prochaine lettre ,tu m’expliques d’une manière plus claire ce que c’est que cette purge .Tu me dis aussi que tu n’est pas satisfaite que nous ayons vendu

Cette maison ,et moi ,il est vrai que j’en suis content . Je ne t’en avais nullement parlé ,car j’ai pensé que mon frère t ‘en avait fait une explication comme je le pense . Je crois que tu plaisantes en me parlant ainsi . Je vais te dire ce que je pense pour cette propriété  ,que tu dis admirable . Oui ,si elle avait été à Trouville . D’abord ,je voudrai ne jamais l’avoir connue ,ni qu’elle m’appartienne ,car elle me coûte plus que je ne pourrai jamais en toucher .Je voudrai que la première lettre que je recevrai m’apprenne qu’elle est brûlée .

Cette maison me rappelle de top mauvais souvenirs ,enfin ,assez la-dessus . Tu me diras nettement ce que tu en penses et après ,à la réflexion vous pouvez faire comme vous voudrez . J’ai bien reçu le mandat de 20 francs ,mais je n’ai pas touché l’argent ,car nous n’avons pas été à Constantinople depuis , enfin ,il ne sera pas perdu . Tu m’as appris aussi que relativement à tes affaires de famille ,que l’argent était versé chez le notaire et que tu ne pouvais pas le toucher . C’est tout simple ,et il en fera l’intérêt . Je suis content que tout cela soit fini , car ça a coûté beaucoup de cassements de tête à tout le monde qui y était intéressé . Tu me diras ,si toutefois tu le sais ,la somme qu’il ya et chez qui elle a été versée .

Tu me parles de Setter ,je me suis informé à bord du ‘’Montezunia ‘’ où il était ,du moins où je le savais être ,il y a 5 ou 6 mois . On m’a dit qu’il avait été en France ,en convalescence ,et qu’il était bien malade . Il était chauffeur ,et c’est un poste qui est beaucoup pénible ,et qui a conduit beaucoup d’hommes au tombeau . Tu feras mes compliments à sa Mère et à sa sœur Louise . Je serai satisfait de savoir dans quel régiment est notre neveu Louis ,et quand on lui écrira ,je prie sa mère qu’elle lui passe mes compliments . Je te prie chère amie d’embrasser pour moi notre enfant ,et souhaite le bonjour à notre sœur et frère Legrand et au petit Félix ,embrasses les pour moi .Tu feras aussi mes compliments à tes sœurs et frères  ,et aux neveux et nièces ,à notre tante Pilon et à ses enfants et à toute la famille  .A la famille Lecourt ,à la famille David ,à mr Bouët et mr Tenneur  ,et à la mère Pierre ,et à tous ceux qui s’informeront de moi . Je vais te donner quelques détails plus bas . Je finis de t’écrire ,mais non de t’aimer et suis pour la vie ton fidèle époux qui t’embrasse de loin .L .Courillon.

    Je te félicite de ta signature que tu as fait sur ta lettre et sur les deux cœurs que tu as tracés .Je t’assure que cela m’a fait beaucoup de plaisir , et je voudrai être aussi près de ton cœur que je suis auprès de celui que tu m’as envoyé   .Ayons espoir et courage .

          Cher frère ,

     J’ai été un peu malade ,et je vais un peu mieux comme je le marque au-dessus . Je désire que ma lettre vous trove tous les trois en parfaite santé . Tu m’as appris que tu avais mal aux yeux ,et cela m’a fait de la peine ,il faut espérer que cela ne sera rien . Je vais te dire quelques mots de la guerre et sur notre retour à Kamiesch   .Je te dirai d’abord que le 9 juin au soir à 8 heures ,on a mis le feu à tous les magasins et à l’arsenal de Kercth  ,appartenant au gouvernement russe . Le 12 juin ,jour de notre départ pour Kamiesch ,ça brûlait encore ,et je puis t’assurer que c’était un beau feu de joie . Tous les navires à vapeur qui ont quitté Kertch ont remarqué un navire russe à Kamiesch et tous chargés de blé de farine et d’autres de munitions et diverses marchandises utiles à la vie . Il est resté

10 000 turcs à SemiKalé ,et très peu de français ,ont beaucoup fortifié ,de manière a ce qu’ils puissent résister à une armée de 60 000russes .Il y a quelques navires de guerre qui sont restés en station .Je vais t’annoncer une assez bonne nouvelle ,les français et les anglais ont pris 66 pièces de canon aux russes ,qui n’étaient pas encloués et servaient maintenant à tirer sur les russes .On a fait 500 prisonniers dans ces batteries ,mais n’avons pas été sans perdre de navires ,mais je n’en connais pas le nombre . Les anglais par terre ont coulé une corvette russe dans le port de Sébastopol . Les vaisseaux russe ont voulu s’embosser pour faire abandonner les batteries que nos troupes avaient prises .Les vaisseaux ont été obligés de se mettre à l’entrée du port ,sous le fort de la quarantaine ,on les voyait parfaitement de dessus la rade . Je vais te dire le nom des batteries russes que l’on a pris :

1° Le mamelon vert ,où l’on a mis 6 pièces de 120 et 2 énormes mortiers de 32 centimètres ,qui tirent sur une des plus grandes fortifications par terre ,qui se nomme ‘’La Tour Malakoff .

2° Il y a les batteries dans le redent .

3° Les batteries blanches  ,Le Général Canrobert a passé la ‘’Thernaïa’’ et coupe les communications avec Sébastopol qui ,tout le monde le dit ,ne résistera beaucoup de temps .

Il faut qu’elle succombe ,car nous avons arrêté dernièrement un nombreux convoi de vivres et de munitions ,et de médicaments .En ce moment on tire au canon de temps en temps .A notre départ de Kertch le vaisseau de Napoléon part faire une reconnaissance à Anapa ( ?)

Les russes l’avaient abandonné ,et les Circassiens l’occupent ,sans cela nous y allions faire un petit tour ,la Crimée est plus que moitié perdue pour eux  .

   Embrasse ta femme et le petit Courillon ,pour moi .Donnes moi des nouvelles du pays  ,et je t’embrasse de cœur pour la vie .Ton tout dévoué frère .

    L.Courillon .

P.S. Tu me diras comment va ton commerce ,et fait moi une explication sur cette maudite maison ! Mes compliments aux petits Paris .

 

 

Il semblerait que ce Louis Courillon ,soit le même que celui qui a raconté sa campagne de Chine , et qu’il aurait été Marin de l’état pendant toute sa carrière . Son premier récit commence en 1846 ,et le dernier se termine en 1855 ,mais je suppose que des lettres ont disparu de ce récit de la guerre de Crimée .

 Retour Professions

Retour autre texte transmis par B Perchey