Généalogie de José CHAPALAIN


 

 

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Les ouvrières de la mer

Histoire des  sardinières du littoral breton

Anne-Denes Martin

Editions L'Harmattan

je vous recommande tout particulièrement la lecture de cet excellent livre

 

Remerciements à entre autre Mr Chapalain (Pierre le demi frère de mon père qui avait rencontré l'auteur à Douarnenez et à qui Anne-Denes Martin a remis un exemplaire dédicacé que son fils Joseph Chapalain possède toujours.

 

Extraits choisis

"De l'artisanat à l'industrie

Sur ces vingt-cinq usines que comptait Douarnenez en 1924, il n'en subsiste plus que trois en 1992 : Chancerelle, Paulet, La Cobreco. Ces trois usines emploient aujourd'hui 740 ouvrières, alors qu'elles étaient 2000 en 1924....

Dès le début du XVIII ème siècle, la sardine connaît un riche essor, grâce à une spécialité locale : la sardine pressée. Le procédé consiste à préparer  la sardine dans la saumure, à la coucher par rangs circulaires dans les barils de hêtres, puis à presser sur le fond pour lui faire perdre l'huile te  l'eau. Ainsi traitée, la sardine peut se conserver quelques semaines, voire quelques mois. Exemptés des droits de gabelle en 1789, elle fait la richesse de la bais : la sardine écrit Cambry en 1794, est le principal  objet du commerce de ce pays. La seule commune de Douarnenez emploie à la pêche de ce petit poisson jusqu'à 400 bateaux dans les bonnes années....

Mais revenons à l'industrie de la sardine et à ces ateliers de presse qui ont fait la richesse de Douarnenez. En 1832, le port n'en compte pas moins de 150.   600 femmes y travaillent la sardine, 281 chaloupes la débarquent, 54 appartiennent à des patrons-pêcheurs, les autres sont la propriété des négociants-armateurs......

Neuf grandes familles de Douarnenez et deux familles d'origine étrangère se partage le commerce de la sardine....

En 1868, à coté des presses toujours existantes, sept usines de conserve sont implantées à Douarnenez. Dix ans plus tard, on en compte quinze...

En 1880... De 600 qu'elles étaient au temps des presses, les ouvrières sont passées à 3000 à Douarnenez....

Douarnenez a comblé son retard de deux usines sur 44 pour l'ensemble de la côte en 1855, elle passe à 28 sur 160 en 1880. La cité portuaire devient même le premier centre français de production....

Sur 786 chaloupes armées à Douarnenez, 595 595 appartiennent encore à des négociants-armateurs en 1865, 191 seulement à des patrons-pêcheurs. Dix ans plus tard, ils sont 552 patrons à être propriétaires de leur bateau. Ce qui signifie qu'ils sont payés à part.

Les gains sont partagés en deux portion égales. La moitié est réservée à l'entretien  du bateau et des filets, qui sont la propriété du patron, ainsi qu'à l'achat de la rogue (..) L'autre moitié est divisée par part égales entre tous les hommes, patron compris. Seul le mousse ne touche qu'une demi-part.....

Ainsi, au métier de la presse, succède une industrie aux multiples fonctions. Le travail se parcellise. Au sommet de la hiérarchie, les contre-maîtresses. Sur elles reposent la bonne marche de l'entreprise, la qualité du travail et le rendement. Puis viennent les étèteuses-emboîteuses-sècheuses, les saleuses, les cuiseuses, les charoyeuses ou manoeuvres qui apportent la sardine; et enfin les femmes de bouillotte qui ont tâche de surveiller le temps d'ébullition, de vérifier les boîtes de sardines puis de les essuyer. Ce sont souvent de vieilles femmes qui font ce travail, parfois jusqu'à quatre vingt ans, car il permet de rester assise.....

En 1924, les usines de Douarnenez emploient 2453 personnes 1851 ouvrières et 602 ouvriers. La majorité des femmes sont dans la conserve, 1482 contre 118 à la filature Béléguic, 111 à la métallurgie Ramp-entreprise directement liées aux activités de la pêche et de la conserve.....

Que l'on ajoute à ce chiffre les 5600 inscrits maritimes et l'on voit que toute la ville vit de la pêche et surtout de la sardine....

Le nombre de chaloupes ne cesse d'augmenter : de 400 en 1850, il passe à 780 en 1870, pour atteindre 850 en 1899 et 900 en 1904. Chiffre record, jamais dépassé....

 

Les femmes en usine

A douze ans, souvent dix pour les fillettes nées avant la première guerre  mondiale, elles prennent le chemin de l'usine...

Ma soeur..... a été obligée d'aller à l'usine à dix ans - je te parle de 1921 - sous le nom d'une autre. On les cachait dans le trou à sel, quand venait l'inspecteur du travail....

J'ai embarqué à treize ans, en 1819, il fallait douze, treize ans pour être qualifié mousse. Mais il y en avait qui allaient avant, en cachette.....

On exigeait la coiffe par exemple. Sans ça vous n'étiez pas prise à l'usine....

Et alors là, on nous appelait les petites filles. On étaient là pour servir les tables des femmes, pour les aider, jusqu'au moment où l'on pouvait faire comme elles, à quinze, seize ans. A ce moment-là, on nous apprenait à mettre le poisson en boîte, et à faire comme les femmes...

C'est de ces coiffes que leur viendra le surnom de Penn sardin, tête de sardine. Plus tard, le port de la coiffe ne sera plus exigé pour les petites filles. Mais dans les années 20 il est obligatoire....

Le chant est entré dans les usines avec les femmes. Dans les conserveries et les filatures.... Tous les évènements de la vie à Douarnenez sont ponctués par le chant....

 

Les femmes et la religion

Républicaine de 1890 à 1902, radicale jusqu'en 1912, Douarnenez, après un intermède conservateur, passe aux mains des socialistes en 1919, avant de devenir en 1921 la première municipalité communiste de France.....

Un ilot cependant échappe à la règle, le Guerlosquet. La présence, dans ce quartier, de l'église et du presbytère lui valu le surnom de "Terre sainte". Ses habitants ne sont pas tout à fait des notables, mais des patrons-pêcheurs qui arment pour la pêche lointaine. Ceux du Guerlosquet, c'était pas n'importe qui ! la preuve ? Ils votent pour le parti de l'Eglise, le parti conservateur....

 

Les femmes et les hommes

Quant aux logements, la plupart ne comprennent qu'une seule pièce. Impossible de tenir à cinq ou six, parfois davantage, dans ces 25 m2. alors les hommes sortent. Ceryains vont à l'Abri du marin, les plus nombreux dans les cafés.....

L'Abri du marin à Douarnenez, le onzième sur la côte, après le Guilvinec, Sein, Audierne, Concarneau, etc... s'élève sur le môle du Rosmeur, ou plutôt s'élevait, car la terre a pris sur la mer....

Ouvert en 1914, sans être fini, pour abriter un régiment, il est rendu à sa vocation première à la fin de la guerre. Jacques de Thésac en confia la garde à Athanase Le Rouge, maître pilote...

Comme les gardiens des Abris ne reçoivent en contre-partie de leur charge, que le logement et une allocation, ils continuent à travailler. C'est donc leur femme qui entretient l'Abri. Athanase et Suzanne Le Rouge resteront à la tête de l'Abri jusqu'à la mort de ce dernier en 1938.

Tenu par une femme, les Abris du marin sont réservés aux hommes, comme les cafés. Mais ici l'alcool est remplacé par la tisane d'eucalyptus. Les marins viennent y jouer aux cartes, loin du regard des femmes, discuter entre eux, lire et parfois écouter des conférences, se reposer de la pêche et des tournées....

 

Les femmes et l'argent

Le crédit, pendant les mois d'hiver, est une pratique courante. Le pain, la principale denrée alimentaire, s'achète à crédit, tout comme l'alcool que les hommes boivent dans les cafés. L'ardoise, ils la règle avec leur première pêche, engageant ainsi le futur...

Chaque café a ses équipages attitrés. Crédits de boisson - la fameuse ardoise - actions sur les bateaux, partage des gains au retour de pêche, toutes ces sorties et ces rentrées d'argent se passent dans la chaude atmosphère des cafés. Lieu de rencontre et d'amitié, le café est comme un second foyer....

 

Une répétition générale

A cinq, six, parfois davantage, les marins, les petits patrons-sardiniers, les sardinières et les ouvriers d'usine s'entassent sur le port le plus près possible de leur lieu de travail....

Les gros patrons-pêcheurs qui arment pour la pêche hauturière habitent en majorité en "Terre sainte", autour de l'église, manifestant ainsi les liens privilégiés qui les unissent au clergé. Entre eux et les patrons-sardiniers, les thoniers. Sine de leur ascension sociale, ils émigrent, à l'age de la retraite, du port bruyant et populeux vers le quartier du Guerlosquet, un peu à l'écart mais toujours près de la mer..

Sur les 26 conseillers  municipaux socialistes, 17 rejoignent le Parti Communiste. En 1921, ils gagnent les municipales, faisant de Douarnenez la première municipalité communiste de France.

La vie de ce Conseil municipal connaîtra bien des turbulences. Le 23 septembre 1923, Sébastien Velly, le maire, est démis de se fonctions par le préfet, pour avoir décidé, malgré l'opposition préfectorale, de donner le nom de Louise Michel à une rue de la ville. Sa mort soudaine en 1924, place Le Flanchec à la tête de la municipalité; après une bataille difficile mais une victoire définitive, puisqu'il restera maire jusqu'en septembre 1940.....

Ma même année 96 voit naître le premier syndicat de marins-pêcheurs; toujours sur fond de conflit. Les revendications portent sur le prix de la sardine achetée par les usines. En 1896 on ne compte pas moins de trois grèves de marins-pêcheurs; dix en 1897...

(les sardinières) créent elles-mêmes leur propre syndicat. Un comité d'ouvrières issu du syndicat est chargé de dialoguer avec les usiniers. A la tête de ce comité une femme, Eulalie Belbeoch...

La revendication des sardinière ? Le travail à l'heure. Jusque là elles sont payées au mille, au mille de sardines travaillées....   et travaillent jusqu'à 18 heures d'affilée en pleine saison. L'usinier est seul juge en la matière et a tendance à sous-évaluer la quantité de poisson travaillé.

Commencé en janvier 1905, le conflit se prolongera jusqu'au 23 août. Les sardinières obtiendront satisfaction. Désormais, elles seront payées à l'heure et non au mille...

 

La grève des sardinières

Vingt ans plus tard, on ressort les drapeaux rouge, ceux de 1905, que les sardinières avaient portés en tête de leurs manifestations pour réclamer le travail à l'heure.....

Du jour au lendemain, les ouvrières, les apprenties cessent leur travail pour descendre dans la rue. Pendant six semaines, du 21 novembre 1924 au 6 janvier 1925, elles vont résister aux usiniers et .... à la misère; car il n'y a aucune rentrée d'argent dans les familles.

Ce jour-là, le premier janvier, c'est jour de fête.... A une table de l'Aurore, Flanchec, son neveu et quelques amis discutent autour d'un verre. Ce face à face avec les rouges, Raynier et sa bande l'attendent. Flanchec est l'homme à abattre. Sans lu, la grève serait finie depuis longtemps....

"Le flanchec avait eu le cou traversé par une balle, Jean Garrec, marin pêcheur, était blessé au pied; Martial Quigner, neveu de Flanchec, qui était venu lui faire visite au moment des fêtes, était gravement atteint à la tête; Marc Stephan avait la cuisse traversée..."

Les usiniers ne sont pas inquiétés. On ne cherche pas à savoir qui a payé, armé les briseurs de grève. En échange de ce blanc-seing, ils signèrent le contrat qui met fin à six semaines de grève, la plus dure qu'ai connue Douarnenez....

Ce qui va permettre de tenir ce sont les heures supplémentaires et les heures de nuit. Payées avec une majoration de 50%, elles rendent les bas salaires plus supportables...

 

je vous recommande tout particulièrement la lecture de cet excellent livre