Généalogie de José CHAPALAIN


 

 

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Vie et mort des bretons sous Louis XIV 

de Roger Leprohon

ed Les Bibliophiles de Bretagne

Extraits Choisis

je vous recommande tout particulièrement la lecture de cet excellent livre

très bien documenté, vrai référence sur le sujet

 

" L'objet de cet ouvrage étant de raconter l'histoire de la population bretonne au XVII ème siècle, il convient d'expliquer les limites de cette étude...

Si l'on songe que les vingt paroisses (du Léon) retenues pour la présente étude représentent plus de 200000 actes.... on admettra que seule l'étude d'un aspect du comportement démographique est possible, si l'enquête concerne toute une province...

 

Ce livre étant, pour l'essentiel, tiré d'une thèse .... soutenue en 1972 à l'Université de Haute-Bretagne à Rennes (Leprohon, 1972)

 

Les sources

Cet état civil ancien fut institué en Bretagne à l'initiative de Mgr Henri le Barbu évêque de Nantes en 1406 (03 juin 1406) , imité par la suite par les autres évêques bretons. Si l'on songe que l'ensemble du royaume a dû attendre août 1539 et l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts, on comprendra l'avance de la Bretagne en matière d'enregistrement de la population....

C'est le concile de Trente qui fit obligation, le 11 novembre 1563, à tous les curés de tenir à jour un registre des baptêmes et des mariages. La prescription d'enregistrer les décès et les confirmations fut ajoutée par le pape Paul V le 17 juin 1614.....

Dans le domaine civil, rappelons les principales dates : les articles 50 à 54 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 prescrivent la tenue de registres de baptêmes qui préciseront le jour et l'heure de la naissance et de registres de décès pour les seuls détenteurs de bénéfices.

L'ordonnance de Blois, de mai 1579, précise l'enregistrement des baptêmes : nom du baptisé, des parents, du parrain et de la marraine doivent être inscrits. On devra enregistrer tous les décès, et désormais les mariages.

Les registres devaient être tenus en simple exemplaire et, en principe, cet exemplaire unique devait être envoyé chaque année au greffe de la sénéchaussée....

Au XVII ème siècle, l'ordonnance de Saint-Germain-en Laye d'avril 1667 prescrit la tenue en double exemplaire des registres.... C'est seulement à partir de 1736 que l'on trouve, en grand nombre, la double série parallèle des registres....

Des "greffiers-gardes-conservateurs" des registres furent passagèrement institués dans le royaume de 1691 à 1710...

Puis des offices de contrôleurs des registres furent créés par un édit du mois de juin 1703..

 

Absence accidentelle d'enregistrements

a) les périodes troublées

La basse Bretagne a connu des moments difficiles lors des guerres de la Ligue. A l'occasion, la vie paroissiale s'en est trouvée fortement perturbée. Des prêtres ont pu manquer. Des paroissiens ont pu renoncer à l'enregistrement des cérémonies familiales en ces temps incertains...

Les grandes épidémie, en perturbant sensiblement la vie quotidienne d'une paroisse, constituent à leur manière des "troubles" pour l'enregistrement des actes d'état civil anciens....

b) les changements ou les maladies des desservants

La maladie du prêtre qui tient habituellement les registres est une des causes de plus grave lacune, car celles-ci sont moins facilement identifiables que celles résultant du changement définitif de pasteur....

c) l'incompétence ou la mauvaise volonté des desservants

Certain recteurs de campagne isolés pendant de long mois et qui ne furent pas toujours, si on en juge par les rappels des divers statuts synodaux du diocèse, des modèles de spiritualité, ni même de tempérance, en prirent parfois à leur aise avec leurs obligations en matière des registres...

d) des difficultés pratiques de l'enregistrement

Les registres étaient fournis aux frais des fabriques un mois avant le début de chaque année...

Les marguilliers (en basse Bretagne, on leur donne le plus souvent le nom de "fabrique") devaient se rendre au greffe royal le plus proche pour chercher les nouveau registres. Ils devaient aussi porter ou adresser le registre (en double à partir de 1667) de l'année écoulée dans les six premières semaines de la nouvelle année...

On note parfois des retards dans la délivrance des nouveaux registres au recteur de la paroisse...

En règle générale, le prêtre inscrivait alors les actes du début de l'année sur les registres de l'année précédente dont il ne s'était, la plupart du temps, pas encore séparé...

Dans le cas de paroisse avec trèves, le Recteur de la paroisse-mère avait parfois recours aux registres de ses succursales pour suppléer au manque de place sur ceux de l'église paroissiale....

 

Y a t il un sous-enregistrement des actes

A Croix, dans son étude du comté nantais au XVI ème siècle estimait que l'action des autorités épiscopales était "le facteur essentiel, presque unique même qui détermine le contenu des registres"...

Les mentions de visite figurant sur les registres, et prouvant par là que ceux-ci ont été examinés, sont rares..

Il n'y avait certes pas chaque année une visite dans chaque trève ou paroisse, mais les marguilliers se rendaient à la visite de l'évêque dans une proche localité pour y faire viser leurs comptes...

 

Enregistrement non conforme à la législation

Dans certaines paroisses, on n'a vraisemblablement pas enregistré les enfants illégitimes ou trouvés; presque partout, les ondoyés-décédés n'apparaissent qu'au XVIII ème siècle, le jour de la naissance manque assez souvent dans les plus anciens registres....

Actes oubliés, répétés ou inachevés ....

Actes non datés ou mal datés ou illisibles...

 

Minute et grosse différente

Lorsque les registres ont été tenus en deux exemplaires, il fut rare que l'enregistrement ait lieu simultanément dans les deux. La plupart du temps, le recteur recopiait, en fin d'année, l'exemplaire original sur le cahier de la grosse. A cette occasion des erreurs ont pu se produire....

 

Les mariages étaient ils sous-enregistrés ?

On estime que les registres paroissiaux furent, au début, rédigés dans un but financier et dans un but canonique. Il semble que ce dernier ait été fondamentalement "de déceler les empêchements au mariage résultant de la parenté, tant naturelle que spirituelle"...

Cet enregistrement semble avoir été total...

 

Les sépultures étaient elles sous-enregistées ?

Parlant de la non-inscription sur les registres des décès d'enfants en bas âge, voire de tous les non-communiants, Pierre Goubert la tient pour "un vice majeur" rendant toute recherche approfondie de démographie ancienne    ... impossible"

Il faut se souvenir qu'aux termes de l'ordonnance de Villers-Cotterêts étaient seuls inscrits les décès de bénéficiaires. Par la suite, la législation ecclésiastique et civile ne fit plus la même restriction, mais sans doute les habitudes étaient-elles prises...

 

Les baptêmes sont-ils sous-enregistrés

Le baptême a, en effet, une importance fondamentale dans la vie des paysans du XVII ème siècle. On n'hésite pas à faire courir des risques évidents au tout jeune nouveau-né pour lui faire recevoir le baptême, dans l'église paroissiale, selon les formes prescrites....

Habitude assez fréquente de différencier les illégitimes (actes regroupés en fin de registre, écrit en français au milieu d'actes en latin ou vice-versa, écrit à l'envers dans le corps du registre)....

 

Le mariage, la nuptialité

Les mariages règlementations

Le contrôle de la situation matrimoniale, pour éviter la bigamie était strict : les fidèles n'étaient autorisés à contracter mariage dans une paroisse étrangère qu'après avoir présenté un certificat de publication de leurs bans dans leur paroisse de naissance ou, s'ils en étaient sortis depuis plusieurs années, dans celle de leur domicile....

Les publications de bans se font dans les paroisses d'origine des deux conjoints, à trois reprises. La mention en est, en principe, obligatoire dans les actes de mariage....

Il est toujours possible, moyennant finances, d'obtenir la dispense de publication de deux bans sur trois....

 

Le mouvement saisonnier des mariages

Le creux de l'avent. C'est le plus net, le plus marqué. On peut dire, sans craite d'être démenti : on ne se marie pas pendant la période de l'avent au XVII ème siècle en Léon...

Le creux du carême. Autre temps de pénitence, autre temps où la force de l'interdit religieux  parait totale...

Des dispenses sont nécessaires pour se marier en ces temps prohibés et elles sont rarement sollicitées...

Un évènement de nature économique, la moisson, est responsable du troisième creuxdu mouvement saisonnier : celui de août....

 

L'age au mariage

Sur les ages "déclarés" par les mariés lors de la cérémonie ....."Les ages sont prsque toujours faux. Etant donné que nous comptons en années révolues, certaines discordance sont facilement explicables; mais quelques-unes  sont plus importantes sans jamais dépasser trois ou quatre ans....

 

Le mariage - Comportement

L'emprise du milieu

Bien des dispenses épiscopales de mariage malgré les affinités ou la consanguinité, ignorées des parties, ne sont accordées que parce que la réputation des jeunes gens est compromise s'ils ne se marie pas....

A cette influence familiale et sociale peuvent aussi se rattacher les mariages de "réparation" qui surviennent après un viol, par exemple...

La jeunesse remarquée de certains couples "violeur-violée" peut aussi laisser à penser que certaines "victimes" furent sans doute consentantes et décidées à utiliser "la réparation" pour vaincre une opposition paternelle...

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Les mariages groupés

Les paroisses léonardes connaissent un phénomène classique : celui des mariages groupés, le même jour....

 

Les mariages consanguins

Ces dispenses sont le plus souvent sollicitées pour des mariages au "quart degré de consanguinité", parfois au "tiers degré". Le quart degré de consanguinité correspond à des mariés ayant un trisaïeul commun, par exemple....

 

La naissance, le baptême

Les registres paroissiaux portent des actes de baptême, cérémonie religieuse, et non des actes de naissance, phénomène biologique....

Le baptême est délivré sous deux formes : l'ondoiement et le baptême complet selon le rite prescrit par l'église. Les ondoiements, cela étaient expressément prévu par la législation, n'étaient pratiqués qu'en cas de nécessité ou péril de mort...

L'immense majorité des enfants étaient baptisés le lendemain de leur naissance....

Les mères d'enfants illégitimes ne se distribuent pas socialement au hasard. Dans la mesure où les actes nous renseignent, on remarque qu'elles sont, pour l'essentiel, des femmes vulnérables par leur position sociale ou familiale....

La citation relativement fréquente des vagabondes et des mendiantes parmi les filles-mères constitue un indice de caractère social assez marqué de l'illégitimité....

 

Les sépultures, la mortalité

Ordre de grandeur pour la fin du XVII ème siècle.... le taux de mortalité infantile, lorsqu'il est calculé sur une base statistique complète, incorporant les ondoyés-décédés, oscille entre 280 pour 1000 environ dans les paroisses les plus favorisées à des taux dramatiques et près de 320 pour 1000 pour le paroisses les moins favorisées.....

Rappelons les deux définitions des composantes de la mortalité : "ou bien l'enfant est victime de tares héréditaires, soit de malformations congénitales lui ôtant toutes chances de vivre plus de quelques heures ou de quelques jours, soit de lésions au cours de l'accouchement, et l'on parlera, alors de mortalité endogène; ou bien il est victime de maladies contractées après la naissance ou d'accidents survenus après celle-ci et sans rapport avec elle, et l'on parlera alors de mortalité exogène"....

Les taux de mortalité juvénile, variable suivant les paroisses, doivent osciller entre 140 pour 1000 dans les meilleures et 170 pour 1000 dans les moins favorisées....

 

La mort - ses causes - ses circonstances

La plupart du temps, les registres de sépultures sont muets sur la cause du décès des paroissiens....

Les causes de la mort

La vieillesse arrive rapidement dans la vie d'un homme du XVII ème siècle, les cas de longévité exceptionnelle ne sont pas rares

La maladie, étant donné les connaissances nosologiques des recteurs léonards, n'est guère précisée dans les actes de sépulture....

Les desservants notent beaucoup plus rarement la nature de la maladie. En dehors des mentions de "peste" et de "contagion" que l'on peut trouver dans les registres lors d'une épidémie, les maux identifiés par les recteurs et précisés sur les registres sont peu nombreux ni varié. Les jeunes enfants s'éteigne parfois de "langueur".....

Certaines catégories d'êtres sont particulièrement exposés à ces contagions domestiques et, en règle générale, à la mort rapide : ce sont les jumeaux ou les triplés, dont nous avons déjà souligné le destin extrêmement bref, et aussi les nourrissons....

Autre catégorie d'êtres particulièrement exposés à la maladie et à la mort : les femmes en couches. Nous avons déjà remarqué que cette surmortalité était responsable de la rupture précoce de nombre de mariages....

Parfois les décès ne sont pas simultanés : la mère meurt quelques  jours après son enfant, en raison probablement des complications infectieuses de l'accouchement.....

L'accouchement se présente donc comme une dangereuse épreuve pour la vie des futures mères. L'encadrement médical médiocre à la campagne, l'absence d'hygiène et l'insuffisances des connaissances des sages-femmes sont les responsables bien connus de cette situation...

Dernière catégorie d'hommes dont la vulnérabilité à la mort semble plus grande que celle de la majorité de la population : les errants. Les vagabonds et mendiants, de tous âges, usés par la misère et les intempéries, tombent malades au  cours d'une dernière étape ou sont saisis par la mort au détour de quelque chemin.....

 

Les accidents

A côté de la maladie, grande pourvoyeuse de la mort, l'accident pour exceptionnel qu'il soit, fait partie de l'univers quotidien. Les registres paroissiaux, muets à 'ordinaire sur les causes du décès, notent le plus souvent les circonstances de ces morts accidentelles....

Les plus fréquents de ces accidents sont des écrasements....

Les accidents de charrettes ou les chutes de cheval forment avec les incendies un deuxième ensemble d'accidents fréquents...

Les noyades concernent surtout les registres des paroisses littorales....

Rare aussi sont les mentions de mort violente o d'assassinat...

Nous n'avons relevé aucune mention de suicide...

 

Le personnel médical

Les médecins ne sont pas totalement absents des professions citées au hasard des registres ruraux...

Mais ces "médecin de campagne" semblent avoir été bien moins nombreux que les chirurgiens....

Nous constatons qu'à la fin du XVIIème siècle, au moins, la présence des chirurgiens n'était pas rare dans les gros bourgs et petite villes du pays de Léon. A cela il faut ajouter le nombreuse cohorte des matrones, appelées "sages-femmes" ou encore "accoucheuse" ou " obstétrique"..... La fonction est paroissiale et on ne voit jamais une accoucheuse opérer dans une paroisse voisine...

 

La sépulture

L'incertitude des connaissances médicales rendait difficile la détermination rigoureuse de l'état de mort.....  Aussi insista t on pour qu'un délai soit respecté entre la mort  et l'inhumation. dans les statuts synodaux de 1707, l'article 15 traite de la sépulture et défend aux recteurs et vicaires "d'enterrer aucun corps qu'environ vingt quatre heures après la mort"...

Peu de gens assistait aux obsèques et suivent le convoi funèbre : c'est une cérémonie familiale, quasi domestique et dont la répétition empêchait qu'elle fût suivie par de grandes foules....

L'usage le plus fréquent, et vraiment uniformément répandu, est d'être inhumé dans les églises...

Les inconvénients qui résulte de cette pratique sont aisés à imaginer: sans parlerde la grande gène pour les cérémonies religieuse, on imagine les émanations qui règnent dans les églises, les risques de contagion, l'état du pavé ! Il n'est pas rare que le rythme des sépultures dans une paroisse importante, en période de mortalité, entraîne une ouverture tombale quotidienne, voire plus fréquente !.....

Dans l'église principale, trois grandes parties semblent composer la surface utilisée : le choeur, le reste de l'édifice avec ses chapelles et le porche ou "portique"....

Le choeur, où peuvent se trouver de enfeux de notable paroissiaux, est presque exclusivement réservé à l'inhumation des prêtres de la paroisse, notamment les recteurs qui sont enterrés auprès du maître-autel...

A proximité des fonts baptismaux sont ensevelis les jeunes enfants qui meurent "en estt d'innocence"...

 

Problème culturel des paysans léonard

La langue quotidienne des paysans de nos paroisse était, au XVII ème siècle, le breton....

C'était la langue qu'employaient les recteurs avec  leurs ouailles, celle - pratique - de toute autorité qui voulait être pleinement  entendue.

Mais le breton ne pénètre pas les registres paroissiaux....

 

L'instruction

Le degré d'instruction se mesure traditionnellement par le calcul des pourcentages, différenciés par sexe, des signatures des conjoints au bas des actes de mariage..

Mais .... pendant longtemps, au XVII ème siècle, les prêtres ne sollicitent pas les signatures....

 

je vous recommande tout particulièrement la lecture de cet excellent livre

très bien documenté, vrai référence sur le sujet