Généalogie de José CHAPALAIN


 

 

Retour Villes importantes de ma généalogie le Juch

 

Souvenirs d'enfance ou "la belle époque"

vue par un petit paysan du Juch

Hervé Friant

édition le Juch Histoire et Patrimoine

 

Extraits

"Première enfance

Je naquis en ce 6 janvier 1902 dans le petit bourg du Juch, situé à 6 km de Douarnenez ...

Hervé, René, Marie Friant .... fils de Hervé Friant, journalier, et de Marie Anne Cariou, ménagère.....

A cette date, mon père avait 42 ans, ma mère 35. Ils avaient déjà deux filles Marie-Anne et Catherine qui allaient avoir l'une 14 ans, l'autre 13....

 

"La vie courante - moeurs paysanne

"La belle époque......" Si elle l'était pour une petite minorité, cette époque était plutôt désolante pour la masse. Au Juch, comme dans les agglomérations avoisinantes, le mode de vie était à peu près ce qu'il était cent années auparavant.....

Le beurre, principal revenu, avait ses lettres de noblesse. Il avait sa renommée et se vendait au marché de Douarnenez. Chaque fermière y allait deux fois par semaine avec le char à bancs qu'elle conduisait elle-même. Le beurre était présenté en mottes d'une livre, dans de grands paniers en osier. D'une belle couleur dorée, chaque motte était façonnée suivant un dessin propre à sa ferme d'origine. Ce travail incombait à la fermière qui y mettait tout son coeur, sinon son art. Certaines parfois, y mettait aussi leur langue en léchant souvent et prestement la cuiller en bois qu'elle utilisait....

A tous ces hommes et femmes, les loisirs étaient strictement limités aux seuls dimanches et jours de fêtes religieuses. Lorsqu'ils n'étaient pas de garde à la ferme, pour les bêtes. Aussi ces jours-là étaient ils très animés au bourg. Aux beaux jours, à partir de Pâques, commençait la période des pardons.... Chaque paroisse des alentours avait le sien, un dimanche, et tous y assistaient. Les fêtes de famille comme les mariages, les baptêmes, ou encore l'inauguration d'une nouvelle aire à battre, ar leur nevez, tuer un cochon fest an oc'h, donnaient lieu à des ripailles mémorables ... des beuveries aussi hélas. Trop d'hommes buvaient jusqu'à l'ivresse complète, à chaque fois que l'occasion leur en était offerte. Quand on pense que dans ce petit bourg, il y avait 10 débits de boisson, dans un rayon de cent mètres autour de l'église. A part celui situé près de la gare, qui sur un semblant de devanture, portait l'enseigne "buvette", les débits ne différaient des autres maisons que par une branche d'un arbuste quelconque suspendue au dessus de la porte d'entrée.

Tous les cafés, étaient bondés chaque dimanche après la grand'messe. La salle de consommation était une pièce ordinaire, au rez-de-chaussée, où les hommes se tassaient debout devant un comptoir parfois couvert de zinc. Le sol, terre battue ou plancher, était vite parsemé de jus de chique, cette précieuse chique que l'on sortait de la bouche pour la mettre au fond du chapeau avant de boire .... et que l'on retrouvait après, plus ou moins collée aux cheveux ! Il n'y avait pas de tables....

Les uns, en majeure partie, buvaient de l'eau-de-vie. D'autres, plus délicats, de l'eau vulnéraire, un alcool moins fort, que l'on disait bon à guérir les malaises et dont j'ignore l'origine; cette boisson a d'ailleurs disparu des comptoirs après la guerre de 1914. D'autres encore prenaient de la cerise à l'eau-de-vie ou du "champagne breton", limonade arrosée de rhum. Le vin était très peu demandé. Il n'était généralement servi qu'à table , aux repas de noces ou d'autres  grandes occasions......

"Badaoued" était celui qui était légèrement ivre, "meo" s'il était ivre, et "men dall" s'il était ivre au point de tomber et de rester couché dans un fossé, ce qui arrivait fréquemment à quelques uns. Les femmes, dans presque leur totalité, étaient sobres. Pourtant, elles ne se formalisaient pas du tout de voir leur époux ou leurs fils "badaoued", et ne s'alarmait pas outre mesure s'ils étaient "meo" quelque fois le dimanche, du moment qu'ils accomplissaient consciencieusement leur besogne durant la semaine.....

Depuis le début de l'année 1909, mes soeurs aînées ont quitté le pays. Catherine, après la naissance de son fils Clément, est devenue la nourrice de Pierre Colle, fils de Monsieur  Jean Colle, demeurant à Douarnenez. Celui-ci peintre de talent bien connu, était in amis de Max Jacob et de Picasso.....

L'année suivante, Catherine s'employa comme cuisinière chez le conserveur René Béziers à Douarnenez. C'est de cette demeure que j'ai le souvenir vivace des moments pénibles où je sonnais et entrais dans ce que je considérais comme un château pour demander à voir ma soeur et tâcher d'obtenir les 10 francs du mois, qu'elle ne donnait jamais sans rechigner ni sans mauvais compliments à l'adresse de notre mère.....

 

Les mariages

Les invités étaient toujours nombreux, même chez les gens modestes, pour la bonne raison que chacun payait son repas, chez le restaurateur. Vieille tradition remontant à des temps anciens, excellente par sa répercussion sur le plan social. En effet, cette façon d'opérer permettait aux petites gens de se voir honorés, fêtés, tous comme les possédants, sans qu'ils eussent à se saigner à blanc ou à s'endetter pour avoir des noces convenables....

 

Le baptême d'un enfant

Nous étions, nous les enfants du bourg, chas ar vorc'h, les chiens du bourg, groupés et dans l'impatience de la sortie qui s'annonçait par les cloches sonnées à toutes volée. Le sacristain, Lom Vihan, était aidé, ces jours-là par des volontaires dont l'ardeur à tirer les cordes était fonction des largesses du papa ou du parrain. Celui-ci apparaissait enfin, accompagné de sa commère, la marraine, au bord du mur du cimetierre et, tous les deux nous jetaient des pièces de monnaie.

Quelle bousculade lorsque les sous tombaient en pluie! Plusieurs dizaine de gamins et gamines plongeant à la fois, se mêlant, se repoussant, jouant des coudes et des sabots, criant et pleurant aussi. Il fallait voir la mine déconfite de celui ou de celle qui n'avait pas réussi à se saisir d'une seule pièce. Quelques mères de famille venaient là aussi en curieuses et riaient de ce spectacle.....

Après cette scène, le bébé était montré aux femmes accourues pour y assister de près ou de loin. Le parrain et la marraine distribuaient des dragées et tout le groupe, poupon en tête, allait de café en café avant de réintégrer la maison.. Il arrivait donc que le papa et le parrain atteignent leur domicile avec, comme on dit, un bon coup dans le nez, mais pas la marraine ni la femme porteuse de l'enfant...

En général, la nouvelle maman ne restait pas longtemps au lit. Peu de jours après l'accouchement, on la voyait venir au bourg, accompagnée d'une femme de sa famille ou d'une voisine, pour la cérémonie des relevailles. Nous pouvions alors la voir sous le porche de l'église, agenouillée, un cierge à la main, le prêtre l'aspergeant d'eau bénite puis posant sur sa tête les extrémités de son étole, il la menait à l'intérieur du sanctuaire. C'était, suivant l'usage, la purification de la jeune mère....

 

Un peu d'histoire

La seigneurie du Juch était l'une des plus anciennes et des plus importantes de Cornouaille. Barons de haut lignage, les sires du Juch étaient de puissants gentilshommes dont la prééminence s'étendait sur toute une contrée à l'ouest de Quimper.
Pendant longtemps, dit-on, leur résidence fut sur un château-fort élevé sur ce que nous nommons "Ar Zal", motte féodale.... Malheureusement, aucune mention de cette forteresse ne figure dans les écrits. Elle était don déjà en ruine au XVI ème siècle et les dernières pierres ont dues servir à d'autres constructions...

On peut donc supposer que ce château fut abandonné après les dernières croisades à la fin du XIII ème siècle et qu'à partir de là, les barons du Juch s'installèrent aux abords de Quimper. Le déclin de cette famille s'éteignit au début du XVI ème siècle."

 

Je vous recommande la lecture complète de ce livre, véritable témoignage qui nous éclaire sur la vie de l'époque à la campagne